Mon voisin, M. Sanchez, a une chambre nue et rose.
La mienne est bleue mais meublée
Car je ne suis pas Sanchez.
J'en ai une.
Elle a même un dossier,
Dossier qui a été spécialement étudié par un certain commissaire,
Commissaire dit 'visionnaire' parce qu'il avait des visions.
Autour de ma chambre : il y a quatre murs et quatre coins.
Aussi bien des coins que des murs, s'il y en avait davantage, j'en ferais de la confiture.
Mais pour si peu ça ne vaut pas la peine.
D'ailleurs, où la mettrais-je, moi qui ai toujours manqué de pots ?
Même la peau de mes coudes qui est pour ainsi dire vendue d'avance à un monsieur
Qui fait des blagues.
Ce monsieur, c'est un monsieur qui a acheté ma peau... Je ne sais pas comment
L'appeler mais lui, il sait... C'est son métier.
Ce qui m'ennuie, c'est qu'il m'avait promis des arrhes et je n'ai encore rien reçu.
Mais que faire ?
Je ne vais pas aller jusqu'Ã lui toucher le... les arrhes ?
Il penserait que je lui cherche la petite bête, que je le prends pour un escroc !
(Et c'en est pas un). Il est du genre plutôt câlin et tout le monde sait bien que
Les escrocs griffent.
...Mais, revenons à ma chambre, voulez-vous ?
En tout bien tout honneur !
Nous parlions des murs.
Eh bien, ces quatre murs sont ornés de deux lithos.
La première représente une bonne partie de mes économies et l'autre le complément.
Ces lithos, qui font partie d'une collection célèbre intitulée 'Les travailleurs matinaux',
Sont aveuglantes de vérité,
C'est pourquoi, quand on les examine, on n'y voit absolument rien
Et l'on ne peut qu'admirer et se dire
'Ah, ces travailleurs matinaux qui sont sortis de leurs lithos.'
Moi c'est différent, j'aime beaucoup rester couché.
Parce que quand j'étais petit, j'ai été malade.
C'est pourquoi, la plupart du temps je couche sur une couche qui est d'ailleurs faite
D'une couche de limon que j'ai obtenue en faisant macérer des grands bas dans du
Vinaigre.
Et je couche dans cette boue que l'on appelle 'limon de grands bas'.
Et je suis bien dans cette boue.
Il me suffit de penser que tout ce qui m'entoure est de boue alors que je suis couché
Pour éprouver une perverse volupté.
Un jour un jeune abbé qui me rendait visite me dit :
'Je ne me sens pas à ma place ici-bas.'
Alors, je l'ai accroché au plafond, pour le remettre à sa place,
Car je suis ordonné moi aussi
Et comme cet abbé est accroché au plafond depuis plus de cinq ans,
On peut dire que ça fait déjà un bon lustre,
Et de plus, comme ce pauvre abbé est très myope, je lui ai laissé ses lunettes.
Avec ses carreaux, on peut l'appeler l'abbé vitré.
Ãa me pose auprès des gens à qui je dis :
'Dans mon appartement, on a une vue exceptionnelle de l'abbé vitré'.
C'est ainsi que tous les matins je prends le petit des Jeunets...
...Les Jeunets sont mes voisins de palier, et leur petit est d'une naïveté touchante...
Il se laisse prendre à tous les coups.
Après on rit... mais on rit,
On se fait des pinçons, on se fait des mimis... on joue à Mimi-Pinson dans ma petite
Mansarde.
Malgré toutes ces joies, je rêve au jour où je pourrai quitter cette ville vieille, et avoir
La campagne pour compagne.
J'y bâtirai une maison.
Et qui m'empêcherait, au prix où sont les Åufs, de la bâtir avec des Åufs que je
Peindrais en vert ?
Pourquoi ne vivrais-je pas dans une maison d'Åufs verts ?
Je n'ai rien à cacher, moi, je n'ai rien à cacher...
Vous voulez voir mon pied ?